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Que penser de « The Last Reformation »?

The Last Reformation est un courant fondé par le Danois Torben Søndergaard en 2011 et qui rencontre un certain écho au Danemark mais aussi dans beaucoup d’autres pays, y compris en Suisse, où le mouvement propose également des formations, avec mise en pratique immédiate. Ce courant estime que l’heure d’une nouvelle Réforme est arrivée, une réforme qui serait plus profonde qu’aucune autre réforme antérieure. Le mouvement met un point d’honneur à se distancer des « traditions de l’Eglise » Celle-ci est critiquée pour avoir développé des structures suffocantes et s’être repliée sur elle-même. La nouvelle réforme elle s’oriente sur les récits des Actes des apôtres, en cherchant à mettre en avant une vie de disciple, conduite par l’Esprit et apportant le Royaume de Dieu là où les gens sont.

Voir : thelastreformation.com et les nombreuses vidéos sur la chaîne Youtube du mouvement: www.youtube.com/user/DanishEvangelist 

Voir aussi par exemple l’article sur les formations données par The Last Reformation en Suisse romande dans le magazine Vivre (mars-avril 2017, p.12-13), intitulé : « David Valdez : j’ai été kickstarté à Lausanne. » 

Constatant les aspects positifs, mais aussi les risques de tensions que peuvent créer ce courant au sein des Eglises et œuvres membres ou proches du Réseau évangélique suisse, nous proposons un document de réflexion, dont le but est d’aider nos membres à être en mesure de s’orienter et de savoir comment répondre constructivement à l’émergence de ce mouvement en Suisse romande. Cette analyse est principalement fondée sur la manière dont le mouvement se présente dans ses vidéos et tel que l’enseigne son fondateur, Torben Søndergaard. Précisons d’emblée que la pensée de cet homme et de ce mouvement évolue au fil du temps et que cette analyse n’est donc pas forcément définitive.

1. Globalement, il faut dire que la volonté de prêcher l’Évangile, de se réformer, d’aimer les gens, d’appeler à la repentance et à la conversion, de multiplier les disciples, d’enseigner le peuple de Dieu, de prier pour les malades, de l’encourager à sortir de ses murs et de mettre l’accent sur la mission est pertinent et mérite d’être salué. Tout cela est très positif. Pour des chrétiens matures, les impulsions données par The Last Reformation peuvent être stimulantes. Elles peuvent faire réfléchir, progresser et motivent à témoigner avec courage. Elles peuvent toutefois aussi présenter certains dangers pour des personnes jeunes dans la foi ou pour les « déçus de l’Eglise », des personnes qui ne seraient peut-être pas (encore) suffisamment équipées pour faire preuve de discernement.

2. L’idée d’une « dernière réforme » interroge : « Ecclesia Semper Reformanda » – l’Église se réforme constamment à la lumière de l’Écriture. Le message de l’Evangile reste le même, l’Eglise dans sa manière de le vivre et le proclamer s’inscrit dans un contexte sans cesse changeant. 

3. Le fondateur Torben Søndergaard réagit très fortement contre l’Eglise institutionnelle (les « boîtes ») … Si l’on soutient volontiers l’idée que l’Eglise a besoin de se remettre en question, qu’elle se définit par la communauté des croyants et non en termes de bâtiments et de réunions et que nous sommes appelés à être bien plus que des « chrétiens du dimanche », on ne peut que regretter que cela conduise Torben Søndergaard à torpiller les structures des Eglises « établies » avec assez peu de patience et de grâce à son égard.  Nous voulons suivre l’exemple de Jésus qui aime son « épouse » plus que tout et qui s’est donné pour elle afin de la rendre parfaitement belle pour le jour des noces (Eph 5.26-27).

4. On sent parfois un retour aux Actes plus qu’à l’Evangile et à l’ensemble de la Bible. Nous sommes appelés à être centrés sur l’exemple de Christ. Le modèle de l’Eglise primitive est utile, mais n’est pas forcément la référence absolue et unique pour savoir comment vivre l’Eglise aujourd’hui. 

5. La délivrance spirituelle est vécue dans une confrontation forte et publique avec les esprits mauvais. Cette manière d’aborder la délivrance ressemble aux pratiques que l’on pouvait aussi vivre dans certaines Eglises en Suisse dans un passé assez récent et qui existent encore aujourd’hui dans quelques Eglises internationales dites « issues de la migration ». Généralement, les pratiques actuelles de délivrance sont désormais davantage centrées sur un accompagnement personnel avec la vision de retrouver la liberté du disciple. Enfin, on estime que si la personne qui ordonne la guérison d’un malade a suffisamment de foi, la guérison doit avoir lieu.

6. Dans le discipulat, il est nécessaire premièrement d’ancrer les disciples dans la Parole de Dieu. Dans le mouvement The Last Reformation, on perçoit un ancrage dans la pratique des actes miraculeux avant la Parole. Dans l’une des vidéos du mouvement, Torben Søndergaard prône la révélation principale par le Saint Esprit pour chacun. Dans notre compréhension, les deux aspects doivent collaborer et les révélations doivent être soumises au crible et à l’autorité de la Bible.

7. The Last Reformation semble avoir une compréhension sacramentelle du baptême par immersion. Ce n’est en effet pas la conversion mais le baptême qui est considéré comme l’acte légal qui fait passer le baptisé d’un maître à l’autre. C’est pour cette raison aussi que la repentance et la délivrance sont aussi pratiquées au moment du baptême. Cette simultanéité visée de la conversion / repentance, du baptême et de la délivrance présente certains risques, même si tous ces actes sont effectivement liés.

Nous saluons le fait que plusieurs responsables spirituels ont accompagné des personnes de leurs communautés attirées par les formations données en Suisse romande, de sorte à pouvoir se laisser enrichir par les apports de ce mouvement, tout en désamorçant les aspects plus problématiques de ces enseignements. D’une manière générale, face à un mouvement nouveau tel que celui-ci, sachons prendre ce qui est bon (cf. paragraphe 1), nous laisser interpeler tout en restant prudents face aux éléments que nous pouvons trouver problématiques, particulièrement en accompagnant les jeunes disciples qui se sentiraient attirés par ces enseignements. Ne faisons pas un cheval de bataille de vouloir dénoncer un tel mouvement – nous nous tromperions d’adversaires –, mais concentrons-nous sur le témoignage et les œuvres bonnes que Dieu demande à chacun de nous d’accomplir pour notre part et sachons plutôt nous approprier l’enseignement de la parabole du bon grain et de l’ivraie (Mt. 13.24-30) ou encore les paroles sages de Gamaliel : « Et maintenant, je vous le dis ne vous occupez plus de ces hommes, et laissez-les aller. Si cette entreprise ou cette œuvre vient des hommes, elle se détruira ; mais si elle vient de Dieu, vous ne pourrez la détruire. Ne courez pas le risque d’avoir combattu contre Dieu » (Actes 5. 38-39).

Christian Kuhn et Michael Mutzner, secrétaires généraux du RES

20 octobre 2017