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Amendé pour avoir hébergé un sans-papier

Le pasteur Norbert Valley, ancien président du RES, a été condamné par le ministère public du canton de Neuchâtel pour avoir temporairement et ponctuellement facilité l’hébergement d’un demandeur d’asile débouté. Une telle condamnation n’est pas isolée en Suisse et interroge sur l’application d’un « délit de solidarité ».

Par une ordonnance pénale signée par la procureure assistante du parquet général du Ministère public du canton de Neuchâtel datée du 15 août 2018, le pasteur Norbert Valley s’est vu condamné à 10 jours-amende (soit CHF 1’000) avec sursis pendant 2 ans, et aux frais de procédure de CHF 250.-. Cette condamnation, révélée le 23 août par le site évangélique d’information lafree.ch, se fonde sur l’article 116 de la Loi sur les étrangers. Cet article cible le trafic de migrants et punit celui qui « en Suisse ou à l’étranger, facilite l’entrée, la sortie ou le séjour illégal d’un étranger ou participe à des préparatifs dans ce but. » Norbert Valley pour sa part a décidé de faire opposition contre la décision du parquet général.

Condamné pour avoir assisté une personne en détresse

Que reproche-t-on concrètement à l’ancien président du RES ? D’avoir « facilité le séjour illégal d’un ressortissant togolais, en lui offrant le gîte et des repas à plusieurs reprises. » En effet, le pasteur, connu pour son engagement social, a accepté de venir en aide à ce demandeur d’asile débouté et qui séjournait illégalement en Suisse. Confronté à la détresse de cette personne, il n’a pas hésité à lui prêter assistance « Comme chrétien les principes de l’amour de Dieu pour mon prochain conduisent ma manière de vivre », explique le pasteur dans son recours.

Intervention en plein culte

En plus de la condamnation, c’est aussi l’intervention très inhabituelle et maladroite de la police en plein culte qui interroge. En effet, c’est un dimanche matin de février, dans les locaux de l’Eglise évangélique du Locle, que la police est venue chercher Norbert Valley, l’invitant à venir s’expliquer au poste de police. Le RES regrette profondément ce manque de doigté de la part de la police cantonale neuchâteloise et peine à comprendre la logique d’une telle intervention pendant une cérémonie religieuse.

Une situation schizophrénique

Suite à la publication de cette affaire par lafree.ch, d’autres cas ont été signalés au RES. En particulier, une jeune femme de 27 ans ayant voulu venir en aide à un réfugié débouté a été condamnée de manière similaire pour lui avoir sous-loué un logement. Cette affaire a ceci de surprenant que c’est l’EVAM (Etablissement Vaudois d’Accueil des Migrants), un établissement de droit public, qui prenait en charge le paiement du loyer. Là aussi, un recours a été déposé.

Un délit de solidarité en Suisse ?

Le RES estime qu’il est hautement regrettable qu’une disposition de la loi fédérale sur les étrangers dont l’objectif est la lutte contre le trafic de migrants, soit utilisée pour condamner des personnes exerçant le devoir de solidarité que leur conscience exige. Une telle condamnation semble indiquer qu’il existe en Suisse des cas de criminalisation de la solidarité. Il est essentiel que la loi et sa mise en application permettent de distinguer une aide solidaire désintéressée à une personne en détresse d’une activité qui consiste au contraire à exploiter la vulnérabilité des migrants. Le RES espère vivement que les oppositions déposées permettront de clarifier cette distinction.